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Le rĂŞve est l’expression et mĂŞme l’accomplissement d’un dĂ©sir rejetĂ©.
Sigmund Freud
La plupart des civilisations ont considĂ©rĂ© les pensĂ©es oniriques comme une source importante de connaissance. Dans l’AntiquitĂ©, deux mĂ©thodes d’interprĂ©tation Ă©taient globalement utilisĂ©es. La première consistait Ă extrapoler un Ă©vĂ©nement rĂ©el Ă partir du rĂŞve. C’est le cas de l’interprĂ©tation du songe d’un pharaon Ă©gyptien comportant sept vaches grasses et sept vaches maigres. Ce prĂ©sage annonçait en fait sept annĂ©es fertiles suivies de sept annĂ©es de pauvretĂ©.
La seconde méthode consistait à analyser chaque image onirique comme un signal séparé du reste. Evidemment, ces signes avaient leur propre signification symbolique.
A partir de lĂ , chaque peuple rĂ©alisait ses propres interprĂ©tations en se basant sur des croyances particulières. Les Babyloniens, par exemple, pour comprendre les rĂŞves, pensaient que les rĂŞves positifs Ă©taient envoyĂ©s par les dieux et les nĂ©gatifs par les dĂ©mons. Les Syriens, en revanche, Ă©taient convaincus que les rĂŞves Ă©taient des prĂ©sages. C’est pour cela qu’ils interprĂ©taient les cauchemars comme des avertissements des oracles.
Plus tard, les Égyptiens Ă©tablirent quelques lignes directrices d’interprĂ©tation qui ont puissamment influencĂ© de nombreuses civilisations postĂ©rieures. Ils croyaient que les rĂŞves pouvaient ĂŞtre interprĂ©tĂ©s comme un jeu d’Ă©lĂ©ments opposĂ©s. Un rĂŞve heureux, par exemple, prĂ©sageait un malheur, alors qu’un rĂŞve malheureux augurait un bonheur. Leurs analyses se fondaient aussi sur la recherche de similitudes entres des mots. Si le terme qui dĂ©signait l’objet rĂŞvĂ© avait un son phonĂ©tique similaire Ă un mot qui dĂ©signait un autre objet, cela signifiait que le songe concernait ce deuxième Ă©lĂ©ment. C’Ă©tait, en quelque sorte, une conception semblable Ă l’activitĂ© de dĂ©placement, dĂ©crite par la psychanalyse de Freud dans « L’interprĂ©tation des rĂŞves ».
Freud est arrivĂ© Ă la conclusion que les rĂŞves expriment notre agressivitĂ©, nos dĂ©sirs refoulĂ©s et nos peurs profondes. En termes psychologiques, les escaliers symbolisent la voie du contact entre l’Ego et notre vĂ©ritable Moi.
L’expansion de la culture grecque a marquĂ© un tournant dans l’interprĂ©tation des rĂŞves. Les anciens Grecs, Ă la diffĂ©rence des Égyptiens et des MĂ©sopotamiens, ne donnaient pas aux rĂŞves de connotations divines. Ils considĂ©raient que les origines, et donc les clĂ©s de l’activitĂ© onirique, se trouvaient Ă l’intĂ©rieur de chaque personne et non pas dans les messages des dieux. Aristote affirmait que, si les songes Ă©taient des messages divins, ils pourraient seulement ĂŞtre envoyĂ©s Ă des personnes sages, capables d’en faire bon usage;
Au 2e siècle après JC, l’auteur grec ArtĂ©midore parvint Ă la conclusion que les Ă©vĂ©nements rĂŞvĂ©s devraient ĂŞtre perçus comme la prolongation des activitĂ©s quotidiennes. Cette thĂ©orie a permis Ă l’Ă©tude des rĂŞves de faire de grands progrès. Les Ĺ“uvres d’ArtĂ©midore ont eu une grande importance dans les siècles suivants et ont influĂ© sur l’interprĂ©tation de l’activitĂ© onirique jusqu’Ă la rĂ©volution menĂ©e par la psychanalyse de Freud au dĂ©but du 20e siècle.
L’expansion du christianisme et de l’Ă©glise catholique n’a pas Ă©tĂ© très positive pour ce genre d’Ă©tudes. MĂŞme si, au commencement, Dieu parlait aux hommes Ă travers les rĂŞves, cette idĂ©e a perdu de sa vigueur au cours du temps. L’Eglise s’Ă©tant Ă©rigĂ©e comme le dĂ©positaire unique des messages divins, chercher dans les rĂŞves une autre voie d’expression de la parole de Dieu Ă©tait devenu un grave pĂ©chĂ©. C’est pour cette raison que les songes furent mĂ©prisĂ©s pendant des siècles. Saint Thomas d’Aquin recommandait de la ignorer complètement et Martin Luther assurait que l’activitĂ© onirique ne servait qu’Ă illustrer nos pĂ©chĂ©s.
Cependant, au 15e sicècle, l’apparition de l’imprimerie rĂ©volutionnera la manière d’aborder le savoir et permit de plus en plus l’accès Ă l’information. On imprimera alors toutes sortes de dictionnaires de rĂŞves, basĂ©s sur les systèmes d’interprĂ©tation d’ArtĂ©midore, qui gĂ®t la possibilitĂ© que chaque personne pouvait ĂŞtre l’interprète de ses propres rĂŞves. Cela, ajoutĂ© Ă l’intĂ©rĂŞt que l’activitĂ© onirique Ă©veilla chez des philosophes comme Fichte, cimenta les bases de l’interprĂ©tation des rĂŞves dans la psychologie moderne.
Pour Freud et sa psychanalyse, les rĂŞves sont les images fabriquĂ©es par l’inconscient dĂ©gagĂ© de la censure et des jugements nĂ©gatifs de la raison.
Les Ă©crits religieux abondent de rĂŞves divins envoyĂ©s pour donner une leçon aux fidèles. Nous trouvons ces exemples dans les Ă©crits des saints comme Saint ClĂ©ment, Saint Augustin ou Saint Jean Chrysostome. Saint JĂ©rome, en revanche, bouleversa cette croyance. TroublĂ© par des rĂŞves qui semblaient aller Ă l’encontre de la morale chrĂ©tienne, il affirma qu’ils provenaient du dĂ©mon. L’Eglise se prononça en dĂ©clarant que les rĂŞves ne venaient pas de Dieu et qu’on devait les ignorer.
Sigmund Freud (1865-1939) est le nom le plus connu de la psychologie moderne. Après lui, rien ne devait plus ĂŞtre pareil dans la culture occidentale, entre autres choses parce qu’il a rĂ©ussi Ă faire de la matière des rĂŞves un objet d’Ă©tude scientifique.
Freud s’est d’abord occupĂ© de neurologie dans sa psychanalyse. Il a cependant abandonnĂ© bien vite l’Ă©tude de la physiologie du cerveau pour se consacrer Ă la psychologie. Bien que sa condition de juif au sein du contexte acadĂ©mique viennois ne semblât pas trop favorable, il sut dĂ© dĂ©passer les obstacles sociaux et devenir une personnalitĂ© mondialement reconnue et dont les thĂ©ories ont provoquĂ© des scandales retentissants. Partant de l’intuition que l’activitĂ© onirique peut nous donner des pistes sur notre Ă©tat de santĂ© mentale, il commença Ă suivre le fil jusqu’Ă parvenir Ă la conclusion que les rĂŞves exprimaient notre agressivitĂ© et nos dĂ©sirs refoulĂ©s, ainsi que les peurs qui nous habitent.
Avec ses propositions novatrices, la psychanalyse de Freud a beaucoup contribuĂ© Ă la connaissance de notre inconscient, puisqu’il considĂ©rait que toutes les personnes naissent avec de fortes pulsions instinctives qui, initialement, agissent Ă un niveau non conscient. Ces pulsions, qui se manifestent Ă travers l’affirmation de soi, l’agressivitĂ©, l’excitation sexuelle, etc., sont rĂ©primĂ©es depuis la plus tendre enfance, quand on apprend Ă l’enfant Ă s’adapter aux normes sociales des plus âgĂ©s. C’est pour cette raison que les adultes ne sont pas capables de libĂ©rer sans rĂ©serves leur Ă©motivitĂ© la plus primaire et qu’ils la convertissent en flux Ă©nergĂ©tique cherchant, dĂ©sespĂ©rĂ©ment, un canal d’expression. Ce canal, ce sont les rĂŞves et les images que fabrique l’inconscient, affranchi de la censure et des jugements nĂ©gatifs de la raison.
A l’Ă©poque oĂą Freud Ă©crivit « L’interprĂ©tation des rĂŞves« , entre 1895 et 1899, sa mĂ©thode psychanalytique s’est dĂ©finitivement consolidĂ©e dans le monde et a obtenu très vite une ample reconnaissance. La libre association d’idĂ©es en Ă©tait l’un des outils. Cette technique consistait Ă proposer un mot ou une idĂ©e, Ă partir desquels Ă©tait provoquĂ©e une chaĂ®ne d’associations permettant de rĂ©cupĂ©rer des souvenirs oubliĂ©s ou des Ă©motions rĂ©primĂ©es.
De plus, Freud avec sa psychanalyse avait aussi dĂ©couvert que les obsessions et les dĂ©lires pathologiques se comportaient comme les rĂŞves. Les uns comme les autres semblaient Ă©galement Ă©trangers Ă la conscience normale. A l’Ă©tat de veille, personne ne pouvait en rendre compte.
Il dĂ©cida donc que la technique de la libre association, qui lui avait tant servi pour la psychothĂ©rapie, pouvait ĂŞtre utile Ă l’interprĂ©tation des rĂŞves. Grâce Ă cette dĂ©couverte dans sa psychanalyse, Freud commença une analyse qui avait pour point de dĂ©part le recensement de donnĂ©es, d’idĂ©es ou d’Ă©motions, apparemment sans connexion, mais prĂ©sentant des Ă©lĂ©ments communs entre elles.
Ainsi, l’analyse et l’interprĂ©tation des rĂŞves se proposent de faire le parcours contraire Ă celui que rĂ©alise l’inconscient quand il Ă©labore les rĂŞves et les scènes oniriques, soit un parcours fort complexe et qui requiert beaucoup d’efforts. L’objectif consistait Ă ce que l’inconscient se libère de la rĂ©pression qu’exerce la conscience pour traverser toutes les barrières critiques ainsi que du jugement qu’impose la raison. On rĂ©ussi ainsi Ă ce que l’individu exprime ses sentiments les plus profonds de façon dĂ©sinhibĂ©e.
L’analyse d’une scène onirique montre qu’on peut y trouver des Ă©lĂ©ments qui n’ont rien Ă voir les uns avec les autres. Pour expliquer ce fait de psychanalyse, Freud comparait la formation de ce genre de scène Ă la peinture. Il citait l’exemple du peintre qui reprĂ©sente dans un tableau tous les poètes rĂ©unis dans la Parnasse. Cela ne signifie pas que les poètes aient Ă©tĂ© rĂ©unis dans la mĂŞme montagne, mais il existe cependant une cohĂ©rence logique de simultanĂ©itĂ©. Le rĂŞve se sert du mĂŞme système de mise en scène pour sa reprĂ©sentation. Pour que cela soit comprĂ©hensible, Freud divisait les contenus des rĂŞves en deux groupes :
Après cette analyse, et la conclusion que les rĂŞves sont le fruit de notre Ă©tat non conscient, Freud identifie quatre activitĂ©s dĂ©veloppĂ©es par l’inconscient pour les Ă©laborer :
Un Ă©lĂ©ment onirique qui peut se rattacher, par diffĂ©rentes voies, Ă beaucoup de situations de la vie rĂ©elle au cours du temps est appelĂ© condensation. Ce phĂ©nomène, dĂ©couvert Ă travers l’analyse, fait rĂ©fĂ©rence Ă une scène onirique qui condense, Ă elle seule, des expĂ©riences distinctes.
Parfois les rĂŞves permutent l’intensitĂ© des idĂ©es et des reprĂ©sentations, c’st Ă dire qu’ils peuvent donner une importance Ă quelque chose qui n’en a pas en Ă©tat de pleine conscience et vice-versa. Selon Freud, ce dĂ©placement de prioritĂ©s est la mĂ©thode la plus intelligente et efficace qu’utilisent les rĂŞves pour cacher leur contenu. Car, souvent, l’analyse qui s’ensuit dĂ©montre que cet Ă©lĂ©ment (qui semblait imprĂ©cis ou superflu dans la scène onirique) reprĂ©sente une idĂ©e latente de grande importance dans la rĂ©alitĂ© consciente.
La disposition visuelle du matĂ©riel onirique renvoie au mĂ©canisme utilisĂ© par l’inconscient pour transformer les pensĂ©es, Ă©motions, sentiments et sensations en images. Les contenus sont, presque toujours, des situations visuelles. Il s’agit avant tout de traduire un discours en reprĂ©sentations mentalement graphiques.
Une fois tout le matĂ©riel onirique formĂ©, l’activitĂ© organisant les Ă©lĂ©ments du rĂŞve se met en route. Cette mise en ordre est nĂ©cessaire pour que le rĂ©sultat de la composition onirique soit lisible et que le rĂŞve puisse le percevoir.
L’esprit humain est frĂ©quemment comparĂ© Ă un iceberg : Nous apercevons seulement la petite partie Ă©mergeant de l’eau, c’est Ă dire l’esprit conscient. Tout ce qui reste cachĂ© sous les eaux serait l’inconscient. Quand nous dormons, la pensĂ©e consciente reste en Ă©tat de lĂ©thargie et l’inconscient prend le contrĂ´le des rĂŞves. Les psychologues considèrent que la psychĂ© est dotĂ©e de trois niveaux
Cette technique de psychanalyse, utilisĂ©e par Freud et Jung, consiste Ă prendre un Ă©lĂ©ment important du rĂŞve (dotĂ© d’un fort contenu Ă©motionnel ou symbolique) et Ă partir de celui-ci, Ă enchaĂ®ner diffĂ©rentes associations pour faire affleurer les Ă©motions rĂ©primĂ©es, les souvenirs oubliĂ©s ou mĂŞme les rĂŞves du passĂ© qui ont eu une grande signification. Imaginons, par exemple, que vous avez rĂŞvĂ© d’une montagne. Retenez le mot montagne. A quoi associez-vous ce terme ou cette image ? Retenez ce nouveau concept et rĂ©pĂ©tez l’opĂ©ration. En passant d’un concept Ă un autre, soyez attentif Ă tout ce qui surgit. A mesure que nous approfondissons, la distance entre le conscient et l’inconscient devient de plus en plus petite. A la diffĂ©rence de Freud, Jung n’Ă©tait pas favorable Ă un trop grand Ă©loignement du concept original.
L’objectif de la psychanalyse appliquĂ©e Ă l’interprĂ©tation des rĂŞves Ă©tait de libĂ©rer l’inconscient de la rĂ©pression qu’exerce la conscience.
Pallas Athéna (Gustav Klimt, 1898)
L’observation des activitĂ©s rĂ©alisĂ©es par l’inconscient permet de constater que ce n’est pas le rĂŞve qui possède la capacitĂ© crĂ©atrice nĂ©cessaire pour dĂ©velopper ses propres fantasmes. C’est plutĂ´t le vĂ©hicule du matĂ©riel onirique dĂ©jĂ prĂ©sent dans l’esprit du rĂŞveur. Le rĂŞve se limite, comme nous l’avons dĂ©jĂ vu, Ă condenser ces ingrĂ©dients, Ă les dĂ©placer, Ă les rendre aptes Ă une disposition visuelle et Ă les organiser.
Le rĂŞve, donc, n’est pas crĂ©Ă© par lui-mĂŞme, mais il serait davantage le prĂ©texte pour rĂ©vĂ©ler une information dĂ©terminĂ©e qui erre dans notre esprit et que la conscience, attachĂ©e comme elle est Ă la rĂ©pression et aux jugements de valeur, est incapable de percevoir. Parfois, cette information peut nous rĂ©vĂ©ler des choses qu nous ignorons complètement. Ainsi, les songes combinent deux fonctions : ils permettent aux dĂ©sirs interdits de s’exprimer d’une manière dissimulĂ©e et, en favorisant la reconnaissance de la vĂ©ritable nature de ces dĂ©sirs, aident le rĂŞveur Ă dormir tranquille.
Quant aux rĂŞves Ă caractère prĂ©monitoire, la tendance populaire du moment Ă©tait de leur octroyer des facultĂ©s divinatoires. Freud, suivant ses thĂ©ories de psychanalyses, rĂ©alisa sa propre observation Ă ce sujet : « Il est intĂ©ressant d’observer que l’opinion populaire est dans la vĂ©ritĂ© quand elle considère le rĂŞve comme une prĂ©diction de l’avenir. En rĂ©alitĂ©, c’est l’avenir que le rĂŞve nous montre, mais pas l’avenir rĂ©el, celui que nous dĂ©sirons. »
La thĂ©orie de Freud, selon laquelle les rĂŞves sont des messages cryptĂ©s de l’inconscient, a Ă©tĂ© le point de dĂ©part d’une grande partie de l’analyse moderne des rĂŞves.
L’oeuvre de psychanalyse de Freud a connu une continuitĂ©, bien qu’avec des variations substantielles, chez de nombreux psychologues. Le plus remarquable d’entre eux a Ă©tĂ© Carl Gustav Jung, initialement Ă©lève de Freud, qui considĂ©rait, entre autres, que les rĂŞves rapprochaient la psychĂ© humaine du concept de totalitĂ©. Le point de vue de Jung sera abordĂ©.